Quand l’itinérance devient un outil éducatif
Un article sur le Projet Maroc
Tout au long de l’année 2005, une douzaine de jeunes aquitains, âgés de 16 à 18 ans, ont élaboré puis réalisé un projet de voyage itinérant au Maroc. Loin d’une logique de consommation d’un séjour de vacances « clefs en main », ce projet est devenu le prétexte à une double expérimentation : d’une part celle d’aller à la découverte de territoires marocains et à la rencontre avec ses habitants, dans une démarche ouverte et respectueuse, d’autre part celle de s’enrichir individuellement en s’engageant dans une dynamique de projet.
De vacances itinérantes au désir d’un séjour différent !
Avant de fouler les sentiers marocains, sac sur le dos, ces adolescents ont vécu les années précédentes, ensemble ou séparément, des séjours itinérants d’initiation à la nature et au territoire, sur des chemins du Parc naturel régional des Landes ou du Parc national des Pyrénées. Encadrés par des structures d’éducation à l’environnement, ce fût un premier apprentissage des gestes et des comportements pour « vivre dehors et ensemble ». L’envie de prolonger cette expérience d’itinérance, à l’étranger, a rassemblé et motivé un groupe d’adolescents.
Parallèlement, ils sont entrés en contact avec l’association Itinéraires Partagés, dont l’un des objectifs est de faire du voyage un moment éducatif. Ensemble une destination a été choisie : le Maroc. Puis Itinéraires Partagés a proposé de structurer le projet des jeunes en 3 phases : la préparation en France du voyage, sa réalisation pendant 15 jours d’août au Maroc et enfin sa valorisation, une fois de retour en Aquitaine. Ainsi, le séjour au Maroc ne représente qu’une partie du projet : un voyage dans le voyage.
1er temps : la conception et la défense de son projet.
C’est autour de la carte du Maroc qu’un premier week-end de préparation a été organisé pour connaître les motivations des adolescents, mais aussi pour que chacun exprime ses représentations par rapport au voyage et au pays. Puis il a fallu imaginer un itinéraire qui convienne à tous et qui s’accorde avec les contraintes liées au transport et au climat. Progressivement, un parcours prend forme, tout en laissant la possibilité de se déformer au gré des rencontres et des aléas du voyage. Durant 5 mois, le projet a mûri au fil des nombreux courriels échangés entre jeunes et avec le Maroc. Il a fallu aussi tisser des partenariats , techniques et financier, et convaincre de l’intérêt du projet ici et là-bas... sans perdre de vue les révisions du Bac pour une partie du groupe !
2ème temps : Itinérance au Maroc.
Pendant quinze jours, entre le Haut et le Moyen Atlas, puis dans la province d’El Hajeb, les jeunes ont vécu leur projet d’itinérance. L’association Itinéraires Partagés les a accompagnés sur place avec des animateurs spécialisés qui leur ont permis d’approfondir certaines techniques (dessin, aquarelle, photographie, écriture quotidienne d’un carnet de voyage personnel) et en mettant à leur disposition des outils de collecte du son et de l’image (caméra et enregistreur mini DV). De plus, régulièrement les jeunes ont été incités à prendre des initiatives, à faire preuve de débrouillardise, par exemple en rejoignant individuellement le village de Zahouia, ou en déambulant seuls dans la médina de Meknès, avec comme consigne d’observer, d’écouter, de partager, de collecter des images, des sons, des anecdotes...
Deux semaines à prendre plaisir à voyager, à goûter aux tagines et aux couscous, à crapahuter sac au dos à 3000m. d’altitude, à discuter et rire avec des bûcherons berbères, à rythmer les jours avec le thé à la menthe, à toucher l’écorce de cèdres centenaires, à tremper les pieds dans l’eau fraîche du canyon de Zahouia Anshal, à sentir les épices du marché, à se laisser surprendre par la beauté d’un paysage ou par la simplicité et la bonne humeur comme avec « ces vielles femmes aux grands yeux noirs [qui] te sourient, t’embrassent et sans parler tu as l’impression de partager une tranche de bonheur avec ces rires d’enfants qu’elles ont su sauvegarder. Elles rient et tu leur réponds en souriant voilà un tout autre langage du plus plaisant. » (extrait du carnet de route d’un jeune)
3ème temps : la valorisation et le partage au retour.
Partager un voyage c’est le bonifier ! Les jeunes ont eu toute liberté pour valoriser leur voyage selon leurs envies et « exploiter » toutes les sensations recueillies au Maroc, toutes les images et les sons collectés, les anecdotes et les souvenirs de chacun... Ensemble, ils ont créé une exposition mêlant à la fois cadres photos, ambiances sonores et projection vidéo. Elle a été présentée pour la première fois en Dordogne, en décembre 2005. Maintenant, cette exposition poursuit son propre itinéraire et les jeunes la font vivre en la proposant l’un dans son université, l’autre dans sa commune. Prochainement, elle sera présentée au festival international de la randonnée - ELDORANDO - en vallée d’Aspe du 25 au 28 mai 2006.
Une expérience riche et à renouveler.
Dépasser une frontière géographique, pour dépasser la frontière entre l’adolescence et l’âge adulte. Le bilan de cette expérience est très positif. Elle a permis à certains jeunes de gagner confiance en eux, et de rentrer « changés ». On se souviendra de la dernière soirée à Meknès, où quelques jeunes passionnés par le jonglage, et qui jusqu’à présent n’avaient joué que dans des endroits isolés, se sont mis spontanément au milieu de la place de Meknès. Un festival de jonglage improvisé, mais qui a rassemblé en moins de 2 minutes plus de 70 personnes autour d’eux ! Toutefois, si l’accompagnement d’un groupe de jeunes doit être renouvelé, une durée plus longue de voyage serait souhaitable. En effet, il faut du temps pour se laisser interroger par un pays, par ses différences avec notre quotidien, par la multiplication des rencontres et des décalages propices à un nouveau regard. Avis aux prochains apprentis voyageurs...
Texte collectif sous la direction de Guillaume BEREAU.
Ont participé : Marc BONNEAU, Sébastien CARLIER, Laetitia FERRÉ, Alexis NOUAILHAT, Clément WALLERAND